On pourrait appeler
ça une déception cinématographique.
Un de mes films
préférés de 2016 est « The revenant », de Alejandro
González Iñárritu, pour plusieurs raisons. Scénario, performance
des comédiens, mise en scène, mise en images, beauté des paysages,
photographies etc. etc. Rien de bien original, le film a fait un
carton, il a reçu un paquet de prix, Di Caprio en tête. Jusque là,
tout va bien.
J'ai bien lu quelques trucs à propos de ce beau et puissant film.
Qu'il était notamment tiré du roman de Michael Punke paru en 2002,
basé sur la vie du trappeur Hugh Glass, mais, mais, mais, je n'ai
pas vu grand-chose sur le fait qu'il était un remake d'un film tombé
plus ou moins, voire beaucoup, dans les oubliettes du cinéma.
Et puis, il y a
quelques jours, je découvre un film (1), lui aussi passé de mémoire :
« Vanishing Point » (Point limite zéro) ,
un film génial, devenu culte pour les cinéphiles. Œuvre phare du
nouvel Holywood des années 70 (le film est sorti en 1971). Ce film
de Richard C. Sarafian a inspiré notamment Mad Max, Tarantino etc.
J'ai donc pris une belle claque en découvrant ce « vieux »
film tout à fait passionnant. De là, j'ai voulu voir ce qu'avait
réalisé ce fameux Sarafian et quelle ne fut pas ma surprise en
découvrant qu'il avait réalisé "Le Convoi sauvage" (Man in
the Wilderness) , en 1971 aussi !
Ce film est une
œuvre qui adapte directement l'histoire de Glass (sans passer par une adaptation littéraire), le trappeur, abandonné par
ses compagnons, laissé pour mort après avoir été attaqué par un
grizzly. Le même qui a inspiré le roman de Plunke et donc The
Revenant. Sauf que, dans « Le Convoi sauvage »
tout est déjà là. Je veux dire, tout « The Revenant »
est déjà là. En beaucoup moins spectaculaire (encore que… la
première scène qui fait notamment penser à Fitzcarraldo
de Werner Hertzog (réalisé en… en 1982) et quelques autres
scènes, sont tout à fait impressionnantes). Moins spectaculaires
donc, mais beaucoup plus spirituel, métaphysique, subtil et
poétique. Pas intello du tout, car il s'agit bien d'un film
d'aventures, mais très sensible.
La vengeance n'est
pas le thème principal du "Convoi Sauvage"et surtout pas la finalité. La peur de la
vengeance, oui par contre. Alors que dans trop nombreux films, les scénaristes et réalisateurs cèdent à la facilité en concluant par la mort inéluctable engendrée par la vengeance. C'est facile et le public aime ça. Alors qu'il existe d'autres issues, plus intelligentes et humaines qui ne sont que trop rarement exploitées. "Le Convoi Sauvage" ne cède pas à la facilité et propose une autre vision.
Le froid, qui dans The Revenant est
omniprésent, dès le début du film, histoire de bien glacer le
spectateur, dans le Convoi Sauvage n'est pas présent tout de suite.
Il s'installe peu à peu, pour devenir insupportable et rendre fou,
puis disparaît pour laisser la place à la boue. La encore, tout est plus subtil.
Et puis, il y a ce
convoi surréaliste, un bateau, monté sur des roues, tiré par des dizaines de mules que
conduit un capitaine (John Huston) à la fois pathétique et cruel.
Et surtout, il y a
le jeu du comédien principal, les scènes après l'attaque du
grizzly ont été quasiment recopiées par The Revenant. Peut-être
s'agit il d'un hommage, mais alors, je n'ai pas entendu (certes, je
n'ai pas tout entendu) Di Caprio parler du jeu d'acteur de Richard
Harris (dans le rôle principal). Mais, franchement, la puissance
silencieuse de Richard Harris est stupéfiante.
Il y aussi le rôle
des indiens qui parlent uniquement dans leur langue. Quelques scènes
sont absolument remarquables, notamment celle de l'accouchement d'une
femme indienne, en pleine forêt. Pas entendu ni lu de références
claires à ce film de 1971.
Et puis, il y a que
Safarian est un maître en matière de flash-back et ça, c'est un
tour de force. Il sait raconter toute une vie en quelques minutes,
comme il le fait dans « Vanishing Point ».
Les seconds rôles
sont magistraux également.
Safarian est à peu
près tombé dans l'oubli, n'a pas survécu au cinéma des années 80
et l'on comprend pourquoi. Il était tout simplement, probablement,
un visionnaire, un véritable précurseur et ça, en général, ça
n'aide pas vraiment à une carrière.
Donc, c'est une
déception de savoir qu'un grand film comme The Revenant n'est en
fait qu'un remake… certes grandiose, mais seulement un remake qui ne dit pas son nom/
(1) - J'ai projeté ce film la semaine dernière à Joigny dans le cadre de mon boulot de projectionniste. Hé oui, il existe de petites associations qui ont une excellente programmation, même à la campagne.