mardi 17 janvier 2017

Le Convoi Sauvage - The Revenant - chronique d'une déception cinématographique

On pourrait appeler ça une déception cinématographique.

Un de mes films préférés de 2016 est « The revenant », de Alejandro González Iñárritu, pour plusieurs raisons. Scénario, performance des comédiens, mise en scène, mise en images, beauté des paysages, photographies etc. etc. Rien de bien original, le film a fait un carton, il a reçu un paquet de prix, Di Caprio en tête. Jusque là, tout va bien.

J'ai bien lu quelques trucs à propos de ce beau et puissant film. Qu'il était notamment tiré du roman de Michael Punke paru en 2002, basé sur la vie du trappeur Hugh Glass, mais, mais, mais, je n'ai pas vu grand-chose sur le fait qu'il était un remake d'un film tombé plus ou moins, voire beaucoup, dans les oubliettes du cinéma.

Et puis, il y a quelques jours, je découvre un film (1), lui aussi passé de mémoire : « Vanishing Point » (Point limite zéro) , un film génial, devenu culte pour les cinéphiles. Œuvre phare du nouvel Holywood des années 70 (le film est sorti en 1971). Ce film de Richard C. Sarafian a inspiré notamment Mad Max, Tarantino etc. J'ai donc pris une belle claque en découvrant ce « vieux » film tout à fait passionnant. De là, j'ai voulu voir ce qu'avait réalisé ce fameux Sarafian et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu'il avait réalisé "Le Convoi sauvage" (Man in the Wilderness) , en 1971 aussi !

Ce film est une œuvre qui adapte directement l'histoire de Glass (sans passer par une adaptation littéraire), le trappeur, abandonné par ses compagnons, laissé pour mort après avoir été attaqué par un grizzly. Le même qui a inspiré le roman de Plunke et donc The Revenant. Sauf que, dans « Le Convoi sauvage » tout est déjà là. Je veux dire, tout « The Revenant » est déjà là. En beaucoup moins spectaculaire (encore que… la première scène qui fait notamment penser à Fitzcarraldo de Werner Hertzog (réalisé en… en 1982) et quelques autres scènes, sont tout à fait impressionnantes). Moins spectaculaires donc, mais beaucoup plus spirituel, métaphysique, subtil et poétique. Pas intello du tout, car il s'agit bien d'un film d'aventures, mais très sensible. 

La vengeance n'est pas le thème principal du "Convoi Sauvage"et surtout pas la finalité. La peur de la vengeance, oui par contre. Alors que dans trop nombreux films, les scénaristes et réalisateurs cèdent à la facilité en concluant par la mort inéluctable engendrée par la vengeance.  C'est facile et le public aime ça. Alors qu'il existe d'autres issues, plus intelligentes et humaines qui ne sont que trop rarement exploitées. "Le Convoi Sauvage" ne cède pas à la facilité et propose une autre vision.

Le froid, qui dans The Revenant est omniprésent, dès le début du film, histoire de bien glacer le spectateur, dans le Convoi Sauvage n'est pas présent tout de suite. Il s'installe peu à peu, pour devenir insupportable et rendre fou, puis disparaît pour laisser la place à la boue. La encore, tout est plus subtil.

Et puis, il y a ce convoi surréaliste, un bateau, monté sur des roues, tiré par des dizaines de mules que conduit un capitaine (John Huston) à la fois pathétique et cruel.
Et surtout, il y a le jeu du comédien principal, les scènes après l'attaque du grizzly ont été quasiment recopiées par The Revenant. Peut-être s'agit il d'un hommage, mais alors, je n'ai pas entendu (certes, je n'ai pas tout entendu) Di Caprio parler du jeu d'acteur de Richard Harris (dans le rôle principal). Mais, franchement, la puissance silencieuse de Richard Harris est stupéfiante. 

Il y aussi le rôle des indiens qui parlent uniquement dans leur langue. Quelques scènes sont absolument remarquables, notamment celle de l'accouchement d'une femme indienne, en pleine forêt. Pas entendu ni lu de références claires à ce film de 1971.

Et puis, il y a que Safarian est un maître en matière de flash-back et ça, c'est un tour de force. Il sait raconter toute une vie en quelques minutes, comme il le fait dans « Vanishing Point ».
Les seconds rôles sont magistraux également.


Safarian est à peu près tombé dans l'oubli, n'a pas survécu au cinéma des années 80 et l'on comprend pourquoi. Il était tout simplement, probablement, un visionnaire, un véritable précurseur et ça, en général, ça n'aide pas vraiment à une carrière.

Donc, c'est une déception de savoir qu'un grand film comme The Revenant n'est en fait qu'un remake… certes grandiose, mais seulement un remake qui ne dit pas son nom/

(1) -  J'ai projeté ce film la semaine dernière à Joigny dans le cadre de mon boulot de projectionniste. Hé oui,  il existe de petites associations qui ont une excellente programmation, même à la campagne.